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Dico amoureux du théâtre

A
Acteur

Si ce dictionnaire ne devait conserver qu’un mot, qui à lui seul puisse être le théâtre, dire tout de lui, ce serait sans aucun doute ce mot là, acteur. Ce corps poétique, qui se donne et donne à voir, dont le regard croisé m’illumine de l’intérieur. Pas si fréquent finalement. Bien entendu il faudrait définir corps et poétique. Alors pour rassurer tous mes collègues devant la difficulté, j’ajouterai : Eternel apprenti de l’imaginaire. Par comparaison on trouve dans les documents de l’Union Européenne cette définition futuriste : Agent récréatif. Preuve que derrière un même mot se cachent des imaginaires différents et en l’occurrence cette tristesse, parfois pas d’imaginaire du tout. Imaginaire est un joli quintasyllabique pour lequel mon fils m’a donné un jour cette belle définition : « L’imaginaire papa, c’est donner de l’air à une image. » Elle m’accompagne encore cette métaphore d’enfant. Je  ne sais pas quelles définitions trouveront les enfants des agents récréatifs mais mon voisin coiffeur a nommé sa boutique récréa-tif. De là à penser qu’un acteur est quelqu’un qui coupe les cheveux en quatre…

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B
Brecht Berthold

Au début de l’année 1990 je téléphonais un matin à un directeur de théâtre pour lui proposer d’accueillir la dernière création de notre groupe, « Mère Courage » de Brecht…

 

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C
 

Caubère Philippe

Un dieu du théâtre, Papillon Éphémère, la vie de groupe comme chrysalide accouchant d’une solitude absolue, né d’un mythe solaire, d’une mère tentaculaire, déesse d’Orient  projeté telle une étoile filante sur nos planches pour nous raconter notre histoire, il a par son roman d’un acteur tricoté tous les rêves du théâtre de la fin du vingtième siècle et dans le même temps  déchiré tous nos espoirs…

Charlie Chaplin

Le maitre absolu… Qui veut comprendre ce qu’est la commedia d’el Arte peut regarder ce génie de la rigueur et de l’improvisation, ce corps poétique chez qui la science du mouvement est la science de la vie. Charlot est l’Arlequin du vingtième siècle et à travers lui renait toute une tradition du théâtre, paradoxalement au cinéma…

« Le rire est le chemin le plus court entre deux hommes.» Charlie Chaplin

 

Contes

Les contes sont au théâtre les germes qui lui ont donné naissance, notre dictionnaire ne peut que leur rendre hommage…

J’ai reçu un message d’un ami chasseur de contes et je ne résiste pas à l’envie de le partager avec vous.

Cher ami,

Les contes sont des êtres vivants, laissez-moi vous en convaincre. Quand sont-ils né, et où ? Difficile de le dire, ils sont à nos côtés depuis si longtemps ? Peut-être quand nous avons domestiqué le feu, il faut un peu de chaleur pour bien les entendre, du temps à ne rien faire d’autre que les écouter, et j’ai remarqué depuis qu’ils m’accompagnent leur préférence pour la nuit. Ils aiment rester secret, faire un peu peur ou rire de nous et cacher leur beauté. Ils paraissent éternels et il y a des contes si vieux que personne ne se souvient d’où ils viennent. Pas même eux. Et pourtant on peut suivre leurs traces dans beaucoup de pays différents, on les croit disparus et ils réapparaissent. Comment voyagent-ils ? Peut-être se transmettent-ils comme les baisers avec la bouche et la langue. Il faut des amoureux pour les faire renaitre .Ou peut-être qu’il existe des abeilles contineuses butinant des histoires pour en faire un miel doux amère nécessaire à notre alimentation. Peut-être avec les oiseaux et le vent, peut-être ont-ils des ailes aux talons car certains ont traversé les mers, les océans, des montagnes aux grands cols, des déserts de sable ou de glace. Ils ont traversé des guerres, des tremblements de terre, connus sècheresse, inondation, avalanches et mille souffrances. Ils ont été pourchassés et expulsés, il y a des époques où ils devaient se cacher et même un pays où la loi interdit les contes, les cerfs-volants et de rire en public. Il y a des hommes à qui ils font peur et qui croient s’en débarrasser en disant « Ce sont des histoires de bonnes femmes ». Ce qui est sûr c’est qu’ils sont là et que nous avons besoin d’eux comme le rhinocéros a besoin de son petit oiseau qui le pique pour manger les vers dans les pores de sa peau. Ils sont là dissous dans l’eau de la fontaine, source de nos rêves quand il faut boire, apparaissant et disparaissant au gré des vents ils nous aident à voler vers des sommets inconnus et assis sur la montagne nous donne la force, la volonté de la déplacer. Et le soir devant un feu les paroles du conteur semblent danser avec les flammes. Ils savent vivre avec nous dans un monde parallèle auquel nous accédons par des trous noirs et des portes mystérieuses, mais chacun a une clef qui n’ouvre pas la porte des autres. Chacun d’entre nous peut les raconter ou les écouter ou s’endormir à son bon plaisir.

Les contes sont des êtres vivants, du moins je le crois, on dit qu’ils savent apaiser nos peines, cicatriser nos blessures, caresser nos âmes et même faire rire les pierres. Mais ça personne ne peut le prouver Des histoires de bonnes femmes ? Pour le savoir il faut apprendre à les entendre ?

Le 1er janvier … l’année est effacée

 

D
Danser

La danse, le chant et le théâtre se sont séparés à une époque et dans notre monde occidental. Il y a des cultures où cette séparation n’aurait pas de sens, où il n’est même pas certain qu’il y ait des mots différents pour nommer l’acteur et le danseur.

L’acteur ne doit pas être un danseur contemporain occidental, il y chez le danseur d’aujourd’hui un pur miroir, un plaisir narcissique, que doit fuir l’acteur. L’acteur se livre à son personnage, rarement à lui-même, l’acteur s’oublie pour aimer l’autre, le danseur s’aime et se trouve beau, il fait rêver par cette beauté, cette grâce, cette pureté que les autres n’ont pas, qu’il est le seul à posséder, là où l’acteur ne s’identifie qu’à nos défauts, nos travers, nos laideurs. La danse contemporaine c’est de ce fait diviser, déchirer, disloquée dans deux directions : l’une purement conceptuel où le danseur n’est plus qu’un reflet, une trace, une ombre de notre ennui et l’autre incarnée majestueusement par Pina Bauch qui crée une alliance avec le théâtre. Dans cette danse théâtralisée devenant théâtre dansé le narcissisme congénital du danseur explose et il est renvoyé à la figure du spectateur, miroir tendu vers nos rêves de pureté devenu proprement ridicule après ce vingtième siècle de crimes tous plus abo-minables les uns que les autres. Des amis fondateurs de la Compagnie « à fleur de peau », mime danseur comédiens ont une belle phrase pour définir leur danse : « danser c’est rêver avec ses pieds » …

Devos Raymond

Hommage (au maitre des mots, mages des moments d’émotions, car le mot ment, tous les mots, le général ment comme la particulière ment, le triste, le gai, le grand et le petit ment, même le vrai ment… d’ailleurs sa plus belle leçon du paradoxal est qu’il était mime d’abord…) :

« Comme dit Charlie Chaplin : « Le rire est le chemin le plus court entre deux hommes.»

(L’acteur regarde un spectateur qui ne rit pas)

Eh bien, il y a encore du chemin… !

C’est sérieux aussi Charlie Chaplin.

Alors au premier rang,

Pas vous, ceux de l’autre jour,

quand, dès le début,

la chute leur est tombée dessus,

Ils n’étaient pas préparés,

Ils n’avaient pas le recul nécessaire,

C’était effrayant à voir.

L’air pincé,

Ils se sont demandés sans rire :

Comment rire sérieusement ?

Quel paradoxe, hein ?

C’est plein de paradoxes, le premier rang.

Alors évidemment au milieu,

On se pose des questions.

Au milieu, on est entre deux.

On a besoin de réponses.

Dois-je rire ou ne pas rire ?

Voilà la question que se pose

tous les adeptes du juste milieu.

Et alors là, celui qui est au centre du milieu,

en général, il se gratte le crâne.

Il s’interroge, comme Hamlet,

le prince du paradoxe.

Il tourne la tête d’un côté et de l’autre.

Pour savoir si on rit plus

à gauche du milieu

qu’à droite du centre.

Vous me suivez.

Son angoisse monte

pour mieux savoir de quel côté il doit rire.

Hier, un type est arrivé en retard au théâtre,

avec sa femme, et sa mère. Sa femme lui a dit :

« Chéri, dépêche-toi, réserve trois places au milieu. »

« Tu t’assiéras entre nous deux », lui a dit sa mère !

Moi j’arrive avec ma chute du début : « Coucou me voilà ! »

J’ai failli tomber sur sa femme !

Elle était morte de rire… Mais alors un rire (Il imite le rire)

Elle se tordait les côtes en lui labourant

les siennes avec son coude,

pendant que sa mère de l’autre côté,

le foudroyait d’un regard en coin en disant :

« Il m’a fait peur, ça te fait rire ! »

Elle était morte de peur !

Fallait voir le malheureux,

figé dans un rire de frayeur.

Il nageait en plein paradoxe

Planté au centre du juste milieu.

Imaginez-vous d’avoir un rire gauche à droite

Et d’être raide de peur à gauche

Parce que c’est précis un paradoxe

C’est fixe et ça bouge, vous voyez !

Un point fixe qui bouge.

Coincé entre sa femme à gauche et sa mère à droite,

des femmes opulentes, il ne savait plus à quel saint se vouer ! …

Alors, quand sa mère lui a dit :

« Heureusement qu’on ne s’installe pas au premier rang,

déjà qu’au milieu tu nous fais remarquer !

Le pauvre garçon il aurait aimé être au fond.

Parce que les rangs du fond, ils ne se posent pas de questions,

ils sont au-dessus des paradoxes

du premier rang et du juste milieu.

Ils sont dans le noir, ils se croient peinards.

Si bien qu’au moment de la crise de paradoxe

du type coincé au centre entre sa femme et sa mère,

quelqu’un au fond à l’extrême droite du dernier rang

s’est penché vers le centre droit du premier rang du fond,

juste au-dessus du dernier rang du juste milieu

Vous me suivez ?

Il se penche et il dit à son copain du centre droit du premier rang du fond :

-« Paradoxe, paradoxe est-ce que j’ai une tête de paradoxe, moi,

Centre, gauche, droite, chacun ses idées !

Il me cherche où quoi, celui-là ? »

Le type du centre avec sa femme d’un côté et sa mère de l’autre,

il a pris ça pour lui. Il s’est levé et a hurlé :

-« Je ne fais pas de politique, moi, Monsieur ! »

Les gens du premier rang se sont retournés

En disant : -« Chut à fin ! Chut à la fin ! Laissez-le commencer.

Moi, je leur ai dit : -« Chute à la fin ! Chute à la fin, vous me faites rire !

J’ai déjà chuté au début.

Par où voulez-vous que je commence alors ? »

Je ne savais plus où j’en étais.

J’ai essayé de mettre de l’ordre dans mes idées.

A la fin j’avais beaucoup d’ordre mais plus d’idées…

Les rangs du fond en ont profité pour m’interpeller :

-« Qu’on en finisse, qu’on en finisse ! »

Alors, même les apolitiques du centre

ont basculé derrière les rangs du fond,

ils m’ont pris à parti :

-«Oui, oui, qu’on en finisse ! »

Là, j’ai vraiment eu peur.

Il fallait réagir avant que cette lame de fond

ne mette le spectacle en l’air.

Il y a même un sérieux du parterre qui s’était mis à ricaner

avec des dents blanches comme un couteau.

-« Achevez, achevez » qu’il m’a dit, « Ou je vais m’écrouler de rire ».

(Dans un sursaut d’orgueil je lui ai répondu droit au fond des yeux)

-« S’écrouler au parterre, Monsieur, vous n’allez pas tomber de haut ! »

Ca ne pouvait pas continuer comme ça !

J’ai hurlé :

« Comment voulez-vous que je finisse,

si on ne me laisse pas commencer… ! »

Il y a eu un silence, mais alors un silence.

Les uns attendaient de voir comment j’allais m’en sortir,

les autres de savoir si j’allais enfin entrer dans le vif du sujet.

J’ai senti l’angoisse monter,

J’étais envahi de paradoxes,

J’ai essayé de me recentrer

en m’accrochant aux yeux

du type du juste milieu.

Mais il était vexé.

Le regard fuyant…

Il a regardé un coup sa mère, un coup sa femme

Un coup sa femme un coup sa mère,.

Et à la fin il a levé les yeux au ciel.

Il me faisait le coup du mépris.

Moi, en suivant ses yeux,

J’ai perdu pied.

J’ai tourné de l’œil…

Pascal Larue (extrait de Coucou me voilà)

Merci Raymond de m’avoir inspiré et guidé dans vos soliloques.